vendredi 31 août 2018

Education nationale : une évaluation trop indécise entre tradition et modernité

L’évaluation des acquis des élèves par le maître dans la classe, dit formative, comme la certification du niveau atteint par des examens, certains à forte valeur symbolique comme le baccalauréat, sont des fondements constitutifs de la scolarité. Les résultats de ces évaluations formatives et certificatives ont longtemps suffi pour juger de l’efficacité du système scolaire français. Cette vision classique, toujours indispensable, n’est plus suffisante. L’évaluation finale de la performance du système éducatif continue à être officiellement fondée sur l’obtention des diplômes du second degré d’enseignement. Or, le lien entre ce mode d’évaluation et la mesure de la performance du système éducatif s’est relâché; sa crédibilité a été affaiblie en tant que mesure des acquis et des niveaux des élèves par la poursuite d’une cible publique de taux de réussite. Quant aux évaluations en classe, indissociables de l’acte pédagogique, elles ne sont pas de nature à renseigner de façon normée et quantifiable sur les acquis (diagnostic) et sur les niveaux et les compétences (bilan). Elles ont une autre fonction, celles d’adapter l’apprentissage dans la classe selon les capacités et les avancées des élèves. La massification des populations scolaires impose une sommation de la mesure des savoirs transmis, maintenant possible par l’emploi de modes d’enquêtes, plus systématiques et globaux, sous forme de tests le plus souvent numérisés. C’est ainsi que pratiquent les enquêtes de référence internationales et nombre d’institutions éducatives étrangères. Pourtant le système éducatif français reste hésitant quant à l’utilisation de ce type de mesures. Après avoir renoncé à la systématisation de tests de diagnostic ou de bilan, l’approche nationale a restreint ses investigations à des mesures par échantillons, fragmentées par discipline selon des rythmes pluriannuels différents. Une inflexion s’amorce cependant : en 2015 des évaluations de compétence des élèves ont été testées, puis généralisées lors de la rentrée de 2017, pour les classes de cours préparatoire et sous forme numérisée pour la classe de sixième. Par ailleurs le ministère ne s’est pas saisi de protocoles évaluatifs fondés sur des expérimentations à grande échelle. Quand ces expérimentations sont conduites, c’est à l’initiative d’autres acteurs publics qui concourent au financement de dispositifs innovants : le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse ou les opérateurs des programmes d’investissements d’avenir. L’association d’organismes de recherche existe mais au cas par cas, de façon aléatoire, comme si les ministères chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, parfois réunis, peinaient à mobiliser des ressources disponibles au profit d’une politique publique majeure qui les intéresse conjointement. Enfin les évaluations en termes d’efficience, c’est-à-dire celles qui examinent par des indicateurs inscrits en lois de finances, le rapport entre les moyens consacrés et les résultats obtenus, selon des objectifs fixés, sont de faible apport. La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) aurait dû depuis 2002 être un vecteur puissant de cette évaluation de l’efficience. Or les objectifs stratégiques et les indicateurs les plus représentatifs retenus par le ministère pour suivre et justifier son budget, sont trop généraux, les taux d’accès au diplôme national du brevet ou du baccalauréat par exemple, pour fonder des arbitrages budgétaires. D’autres ne peuvent être renseignés chaque année, par exemple le degré de maitrise du socle commun de connaissances et de compétences, sanctionnant la fin de la scolarité obligatoire. L’efficacité du système scolaire n’est pas seulement un enjeu social majeur, c’est aussi en raison de l’importance de la dépense publique induite, de l’ordre de 21 % du budget de la nation, un enjeu d’efficience qui nécessite plus que par le passé, d’évaluer les effets des politiques éducatives conduites. Si l’évaluation de ce système n’a pas été rénovée, c’est que l’éducation nationale doit surmonter des difficultés importantes, d’ordre culturel et de nature administrative et fonctionnelle, pour conduire ce changement.