mardi 23 décembre 2014
Vers la déflation en France
Désormais, la plupart des économistes en sont sûrs : avec le plongeon du cours du pétrole, les prix vont baisser dans la zone euro au cours des prochains mois. Cela signifie-t-il que la zone euro va sombrer dans la déflation ? Patrick Artus, chef économiste de Natixis, a une opinion tranchée : «?La France n’est pas en déflation et ne va pas y tomber. L’an prochain, la croissance atteindra environ 1 % alors que les taux d’intérêt à dix ans payés par l’Etat français resteront bas. Les taux réels [c’est-à-dire en enlevant l’inflation NDLR] seront proches de 0,6 %. Donc un emprunteur pourra rembourser sa dette.?» A l’Insee aussi, on considère que le scénario le plus probable sera une inflation très basse, sans toutefois qu’une spirale déflationniste se mette en place, en tout cas dans l’Hexagone. «?En France, l’inflation sera à zéro en juin 2015 (en rythme annuel)?», estime Laurent Clavel, l’un de ses économistes. Ce qui rendra inatteignable la prévision de Bercy d’une inflation à 0,9 % sur l’année. Certes, «?le niveau extrêmement bas des prix interpelle, reconnaît Vladimir Passeron, chef du département de la conjoncture à l’Insee. Mais les anticipations des marchés et des ménages ne décrochent pas. Et en France, la rigidité des salaires rendra difficile la transmission de la désinflation aux salaires. Le SMIC va augmenter de 0,8 % au 1er janvier ?», rappelle-t-il. Les économistes de l’Insee estiment à 30 % les chances que les prix hors énergie baissent au cours du premier semestre 2015. Mais «?ce n’est pas parce que les prix baissent que le pays est en déflation. La baisse des prix doit être généralisée, durable et s’auto-entretenir?», insistent-ils. En effet, c’est quand les ménages et les entreprises revoient à la baisse leurs anticipations d’évolution des prix que la spirale déflationniste se met en place. Anticipant des baisses de prix, les ménages diffèrent leurs achats et les entreprises, leurs investissements. Ce qui pèse sur la demande, entraînant chômage et baisses de salaire, réduisant encore plus la demande. D’autres économistes sont moins confiants. «?On peut vivre deux mois avec une inflation négative mais si les prix baissent pendant six mois, alors le problème devient plus aigu car les agents économiques vont adapter leurs anticipations?», explique William de Vijlder, chef économiste de BNP Paribas. Irving Fisher, théoricien américain de ce phénomène qu’il a étudié, définissait en 1933 la déflation comme «?un grand paradoxe qui est le secret de la plupart des grandes dépressions : plus le débiteur rembourse, plus il est endetté?». Selon cette définition, «?la France est loin de la situation décrite par Fisher, considère Yves Zlotowski, chef économiste de Coface. Le stock de dette privée est bien moins élevé dans l’Hexagone qu’en Espagne.?»