vendredi 20 février 2015

Quand les bateaux prennent l'eau

Le ralentissement continu de l’économie affecte le secteur du shipping qui met en oeuvre des stratégies diversifiées pour s’y adapter. Les surcapacités de l’offre de transport comptent toujours parmi les premières préoccupations des armateurs focalisés sur les évolutions des taux de fret. Sur une flotte mondiale évaluée à 50.000 navires, elles seraient estimées à environ 10 % avec des différences selon les types de navires. À titre d’exemple, selon une étude de PricewaterCooper, les inquiétudes outre-Rhin se sont cristallisées sur les baisses des taux de fret qui ont affecté les flottes conteneurisées (1.700 navires). Elles constituent un tiers de la flotte mondiale dans ce segment, les taux de remplissage sont insuffisants (71 % contre 86 % en 2011) et les incertitudes sur leur financement se sont propagées dans un contexte de baisse des prix sur les seconds marchés et les difficultés touchant les KG Houses. La problématique des surcapacités est renouvelée dans un contexte de prix bas. Le marché des navires neufs a baissé depuis 2008 jusqu’à 40 % et présente encore des opportunités pour des investisseurs convaincus que les prix ont atteint un plancher. La conviction que la baisse historique du marché du vrac en 2012 aurait atteint un seuil plancher pourrait encourager de nouvelles commandes dans la perspective d’une reprise en 2015. Par ailleurs, la recherche des économies en carburant et les performances énergétiques des nouveaux modèles de navire incitent les opérateurs à renouveler leur flotte plus rapidement. La crainte de se trouver marginalisés dans la perspective d’un retour à la croissance les pousse également à poursuivre la course au gigantisme (en particulier dans le domaine du conteneur). Enfin, la compétition exacerbée entre armateurs entre en résonance avec les politiques navales des grands constructeurs qui souhaitent maintenir leur niveau d’activité et éviter les licenciements. Ces préoccupations sont passées au premier plan des chantiers navals chinois qui ont pris les premières places depuis 2008 en dépassant la production sudcoréenne mais au prix de surcapacités de production inquiétantes alors que les volumes des commandes ont chuté de 23 %. Selon l’Association industrielle des constructeurs de navires de Chine, un tiers des chantiers navals pourraient cesser leur activité dans les cinq ans. Générées par des commandes en haut de cycle, les surcapacités apparues en 2008 du fait de la conjoncture, pourraient devenir un phénomène chronique et auto-entretenu par l’absence de coordination des politiques armatoriales. Le retour à une croissance équilibrée des flottes ne passera que par des mesures structurelles de réduction des capacités forcées par la situation financière de certains opérateurs. Les stratégies de croissance anticipant la reprise accentuent la pression sur les compagnies les plus fragiles qui ne pourront pas assumer la charge d’un renouvellement de leurs flottes (20 % des opérateurs allemands envisageraient d’envoyer au scrapping les navires excédentaires). Les politiques d’optimisation des coûts finissent également par atteindre leurs limites en matière de slow steaming, la presse s’était faite l’écho d’un navire qui aurait dérivé sur 280 milles pour économiser 27 tonnes de fuel1. Par ailleurs la mutualisation des moyens de gestion pour éviter de sous-employer les capacités de transport est une voie qu’ont adoptée les trois géants du conteneur en créant le consortium P3 malgré la compétition qu’ils se livrent sur les principales routes intercontinentales. La demande de transport ne connaît pas d’accélération mais offre de nouvelles possibilités à exploiter. Ainsi, les importations de charbon en Chine tendraient à se reporter sur les productions sud- africaine et australienne au détriment de l’Indonésie. Ces nouvelles routes allongées sont des opportunités précieuses dans le domaine du vrac. De même, le développement des capacités de raffinage au Moyen-Orient et en Inde pourraient ouvrir de nouvelles routes s’étirant vers l’Europe et l’Asie pour les tankers spécialisés en produits pétroliers de taille moyenne et allongeant la tonne/mille. La fermeture des raffineries en Europe et la construction de « méga-raffineries » asiatiques rééquilibrent le marché encore sur-capacitaire des tankers. Source: http://www.agenceincentive.com